Maman, pourquoi tu cries?

- Bonjour, je m'appelle Maman et je crie.
- Bonjour Maman...

Oui, je peux pas m'en empêcher, dès que Pindoulf fait un truc qui me plait pas, j'ai pris l'habitude de crier, presque de suite. Avant je commençais à crier quand je devait répéter dix fois la même chose, maintenant je me dis que ça ira plus vite si je gueule direct.

Dire qu'avant d'avoir des enfultes, je savais même pas crier... C'est vrai, l'Homme se marrait bien à me voir essayer. Mon petit filet de voix partait dans tout les sens, un peu comme un ado qui mue...inutile de préciser que je n'impressionnais personne, d'ailleurs les rares fois où j'ai essayé d'engueuler quelqu'un je suis même pas sûre qu'il m'entendait.
Je suis du genre a gueuler dans ma voiture, vitres fermées...des gros mots le plus souvent, ou alors à gueuler quand un train passe à côté, ou un gros camion. Non seulement, je sais pas crier mais en plus j'ai la poisse de la situation, à croire que le destin fait tout pour que personne n'entende mon cri pourri. Merci destin.



Mais aujourd'hui, j'ai des enfants...mon filet s'est transformé, ça y est j'ai mué, je sais crier...fort. Je sais faire la grosse voix qui fait peur, et je m'en sert, trop...
Alors j'ai décidé de ne plus crier, ou moins en tous cas, sauf en situation d'urgence bien sûr.
Par exemple quand l'enfulte s'approche trop près de la route, d'une falaise, du feu, de mon dessert, ou quand il prend son frère pour un trampoline.
Sinon stop, maintenant j'explique, calmement et fermement, ce qu'il ne doit pas faire et pourquoi, mais de manière assez concise sinon l'enfulte décroche, n'écoute pas, et recommence.

Alors ça peut paraître fatiguant comme ça, mais au final pas plus que la solution du cri. Quand je crie, ça devient vite un engrenage : je crie, donc ça me met de mauvais poil, je rumine un peu, je lui en veut un peu, j'éprouve un peu de rancune qui m'empêche de lui sourire un certain temps après l'engueulade, puis il fait une autre connerie. Il en fait une autre parce que justement il veut mon attention, et moi de mon côté, étant en mode "pas content" je perçoit ses petites erreurs comme des grosses bêtises, et je crie, encore... Et ça donne une journée éreintante, faite de cris et remontrances, je suis fatiguée de lui, fatiguée des cris, fatiguée de moi.

Il n'y a pas si longtemps je rigolais bien devant les bouquins traitant du sujet, c'est la grande mode, plein de bouquins te parlent de comment éduquer ton enfant sans crier. Moi et mon cri on se croyait invincibles, je me moquais de ces parents qui discutent interminablement avec leurs enfants, je voyais là une perte de temps et d'énergie, un aveu de faiblesse aussi...
Puis j'en ai eu assez de crier, constatant vraisemblablement que ça ne fonctionnait pas, enfin si, ça marchait sur l'instant, l'enfulte il a un peu les genoux qui grelottent alors il moufte pas. Mais il recommencera, cette connerie ou une autre, pour défier, pour qu'on le regarde ou juste parce qu'il veut vraiment l'étaler cette purée sur cette table. Puis c'est pas sain et ça met une ambiance de merde.


Ben tu sais quoi? Sans crier, ça marche...

En lui disant "Non, tu ne pose pas la chaise dans les escaliers pour grimper dessus, c'est dangereux et tu peux faire tomber quelqu'un"  ben le Pindoulf il me répond "Oui, d'accord". Maintenant nos journées sont ponctuées de "Oui d'accord", crois-moi j'en suis la première étonnée, peut être que le moment était venu aussi, qu'il est plus apte à comprendre, va savoir.
En tous cas, il m'écoute, parce que je prends le temps de lui expliquer, où même, juste je prends le temps de lui parler, à lui. Et il aime ça l'enfulte qu'on lui parle, rien qu'à lui.

Ça veut pas dire qu'il fait plus rien de mal, non faut bien qu'il tente des trucs, mais maintenant il apprend à savoir ce qu'il faut pas faire et surtout pourquoi. Quand je crie, il se doute bien qu'il fait un truc pas net, mais sans vraiment comprendre, alors il recommence lui, il mène son enquête, il veut trouver des indices... Maintenant on communique, il me dit "Oui d'accord" et passe rapidement à autre chose, et comme je suis plus en mode "je fais la gueule parce que je viens de te pourrir et si je te souris maintenant ça voudra dire que je suis faible", je suis dispo pour lui et il se sent écouté. ON se sent tous les deux écoutés, et l'ambiance est saine, paisible...

Je dis pas que je rechute pas, je suis pas vraiment du genre infaillible comme nana. Il y a des jours où c'est juste pas le jour, pas envie de lutter, pas envie d'expliquer, négocier...alors je crie, en sachant que c'est nul et que ça sert à rien, mais il y a des jours où ça soulage, et c'est purement égoïste, oui.

Mais rien que le fait d'être consciente de l'inutilité de crier, c'est important je pense, ça fait réellement avancer les relations avec l'enfant. Et ça me fait avancer moi en tant que maman.

Et puis viendra le moment où je n'aurais plus, ni besoin de crier, ni besoin d'expliquer...

(quand il prendra son appart' ce petit crotteux)